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Quelques mots sur la médecine chinoise ...et mon premier séjour en Chine

Les Chinois de l'antiquité ont observé la nature, qu'elle soit minérale, végétale, animale ou humaine, qu'elle soit dense ou subtile, matérielle ou immatérielle. Pour eux, les souffles (Qi) se sont organisés depuis un chaos primordial. Ils n'ont pas cherché à spéculer sur l'origine de ce chaos : il n'y avait pas, il y a eu. Ils ont alors systématiquement examiné ce qu'ils pouvaient percevoir. De là est né un système de pensée qui comprend et lit le monde en termes de Yin, de Yang, de Qi, de vide, de plein et de centre. Cette pensée traditionnelle est par exemple consignée dans le Yi Jing (Yi-King) ou Livre des changements, qui constitue une « véritable grammaire du yin-yang » (P. Faure, Le Yi Jing par lui-même, Alphée ; voir aussi le site de Pierre Faure).

La médecine chinoise est soumise à des règles (5 éléments, engendrement, domination, etc.), qui prennent leurs racines dans un lointain passé, antérieur à notre ère. Elles sont consignées dans des Classiques, continuellement commentés jusqu'à nos jours. Enfin, la médecine chinoise est unique dans son objet : harmoniser la santé, éviter l'état de déséquilibre qui conduit à la maladie. La médecine chinoise aspire à la remise en ordre des souffles. Elle adopte pour cela une approche des pathologies tout à fait originale, qui appréhende la personne d'une façon globale, dans son unité. Elle utilise alors des techniques très diverses : aiguilles (acupuncture), moxas (armoise incandescente approchée de certains points pour apporter de la chaleur), préparations à base de plantes.

La médecine chinoise a également recours au massage et à la gymnastique, que l'on dit "énergétique" en occident et qui s'appelle là-bas Qi Gong, mot générique signifiant «travail du Qi», travail de l'énergie.

Quelle que soit la technique utilisée, le but est toujours le même: retrouver, maintenir et renforcer la santé du patient. On peut aussi découvrir et développer ses propres talents, dans leur variété, grâce au travail du Qi, soumis lui-même à la Pratique.

Le Qi enseigne comment sentir le Qi, c'est à dire comment  sentir cette énergie vivre en soi, rendant "réel cet ordre du monde" que la médecine chinoise décrit et qui est en nous: un potentiel de découvertes.

Ainsi, que ce soit chez le praticien, l'enseignant, le pratiquant, l'élève ou le patient, l'instrument de mesure est toujours la personne humaine dans "ses structures, fonctions, mouvements, rapports et évolutions" (J.M Kespi, Acupuncture, Maisonneuve).

Photos commentées de mon premier séjour en Chine

Nous sommes à Kaohsiung, dans le sud de Taïwan, en 1986. L'élève de Maître Liu n'a pas perdu son équilibre : sa souplesse, son relâchement (yin) et la force de maintien (yang) de son équilibre dans sa seule jambe gauche lui ont permis d'échapper à la «poussée» du Maître. Cette poussée est une sensation qui donne l'impression d'être soufflé par du vent, tant le contact des mains et des avant bras de Monsieur Liu est léger et adhérant. Remarquons au passage la musculature de la cuisse de l'élève et la position de l'articulation de sa hanche gauche dont l'adaptabilité lui permet  de garder son équilibre.

Maître Liu Fu Yen en 2011

Toujours en 1986, nous voilà cette fois-ci à Hangzou en Chine Populaire. Un jeune chinois d'outre mer (ses vêtement n'ont pas l'empreinte chine pop) vient se mesurer à un Maître de la région au petit matin, au bord du Lac. Pensez-vous qu'il soit en train de l'assaillir ? Vous avez raison, mais toutefois, regardons le mouvement général du corps du jeune homme, et son pied droit en particulier. Ce dernier n'a rien d'un pied d'appel : on peut voir l'ombre de sa semelle sur le trottoir. Cet homme jeune prenait son élan, courrait et venait frapper de ses deux pieds le ventre de la femme déjà âgée. Elle restait immobile, mais lui, à l'instant de l'impact de ses coups de pieds, était systématiquement et instantanément repoussé vers l'arrière, comme s'il venait de frapper une surface élastique. La vitesse avec laquelle il était rejeté ne lui permettait pas toujours de garder son équilibre ! L'exercice (et le spectacle) consistait donc, pour lui, à frapper de ses pieds cet endroit du ventre du Maître que les Chinois nomme Dan Tian, Champ de Cinabre, et que les Japonais appellent Hara. Le Maître ne bougeait pas. Absolument pas déséquilibré, elle ne semblait pas ressentir les coups mais gardait sa posture et les poings fermés.

L'immobilité agissante des deux Maîtres dont nous venons de parler est un signe sans équivoque de leur travail interne. Exprimé en chinois par les deux idéogrammes ci-dessus, le Dan Tian est un lieu où s'accumule la force pour peu que la respiration soit calme et tranquille, le bassin basculé, le haut du pli de l'aine relâché pour permettre la rotation de la hanche, le rachis érigé et la pratique de la séparation du poids du corps entre la droite et la gauche assidue !

La photo ci-dessus a été prise dans une chambre d'hôpital à Hangzou. Un médecin pratique un Qi Gong qui induit, à distance, des mouvements spontannés - parfois très étranges - chez ses patients. La dame accoudée à la fenêtre qui regarde avec attention est la même qui, le matin à l'aube, fit montre d'un champs de cinabre inférieur pelvien (Dan Tian),  si fort et si remarquable (voir photo plus haut). Quant au médecin, à gauche, qui observe lui aussi avec attention, il n'a pas eu droit à une démonstration sur lui même. Son confrère n'a pas accepté sa demande et, en guise de compensation, lui a fait un massage ! Les secrets des sensations ne se divulguent pas aussi facilement !

Un film a par la suite été tourné lors d'un traitement semblable, prodigué à un monsieur hémiplégique que je connais bien. Ce dernier est allé voir à Canton l'un de ces maîtres de Qi Gong qui, à distance, a induit des mouvements ressemblant fort à ceux utilisés dans les méthodes de rééducation Kabat et Bobath, utilisées pour les problèmes neuromoteurs. Sur ce film, les mouvements induits à distance, étaient spontanés, sans résistance et avec une très grande amplitude, en particulier pour son épaule impotente.

Et voici, pour le plaisir, l'attestation du stage que j'ai eu la chance de suivre, ainsi que  sa facture, émises par l'hôpital Shuguang à Shanghai.

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